Cap Horn ou el fin del mundo
Du 13 au 22 mars 2011
Un conseil : n'arrivez pas, comme nous, un dimanche midi à Punta Arenas ! Rien de plus déprimant. Pas un chat dans les rues. Les propriétaires de notre hostel prennent à peine le temps de nous accueillir qu'ils filent déjeuner chez des amis ! Affamés dans une ville où tous les restaurants sont fermés, nous nous rabattons sur le supermarché Unimarc où nous achetons de quoi pique-niquer sur le front de mer, dans le vent, le froid et sous la pluie... Il nous faudra encore attendre 3 jours le départ du transbordadora (ferry) pour Puerto Williams et l'Isla Navarino où nous comptons faire le trek le plus austral du monde : Dientes de Navarino.
Baleine à bâbord !
Nous ne sommes que 6 passagers à embarquer sur le minuscule ferry, qui ne peut de toute manière n'en accueilli que 24 : Séverine, une française recruteuse en société de services informatiques (on se comprend), Joseph, un avocat américain parlant français (on se comprend aussi), deux habitants de Puerto Willians et nous ! Le trajet dure environ 37h : départ le mercredi à 18h, arrivée le vendredi matin à 7h.
Afin de satisfaire confort et budget, nous avons réservé un siège inclinable et un lit en cabine, que nous comptons échanger pour les 2 nuits à bord ! A peine embarqués, nous constatons que les 2 catégories ne bénéficient pas des mêmes services pour les repas. Ainsi je suis appelée pour dîner avec l'équipage alors que les autres n'ont droit qu'à des petits sandwichs dans le salon passagers ! Un peu gêné, le steward convie finalement Stan à partager mon dîner. En revanche, pas le petit-déjeuner et goûter suivants. Le capitaine proposera enfin à Stan d'occuper la 2ème couchette libre de la cabine le second soir !
Dès le lever du jour, nous passons quasiment toute la journée sur le pont à guetter les animaux marins dans les canaux séparant les nombreuses îles situées entre le Détroit de Magellan et le Cap Horn. Très vite le capitaine nous signale deux baleines à bosses à bâbord : la mère accompagnée de son "petit". Sur la mer d'huile illuminée par le soleil levant, se détachent phoques, loutres de mer, pingouins... Nous assistons aux décollages laborieux et si caractéristiques des albatros. En fin de journée, les oies sauvages se joignent à la partie et tournent curieuses autour de notre embarcation. Aux dernières lueurs du jour, nous entrons dans le canal de Beagle et admirons les glaciers qui viennent s'y jeter.
Une dernière nuit à bord avant de débarquer au petit matin dans le port tranquille de Puerto Williams. Dans cette localité principale de l'Isla Navarino, au sud d'Ushuaïa, nous sommes réellement dans la ville la plus australe au monde !
Toutes les photos de la traversée entre Punta Arenas et Puerto Williams ICI
Trek du bout du monde
Pour profiter d'une bonne fenêtre météo pour le trek de 4 jours Dientes de Navarino, il nous faut partir le jour même. Nous sommes extrêmement bien accueillis à l'hostel Akainij où l'on nous propose un petit-déjeuner, un douche et une chambre pour refaire nos sacs de trekking. Après quelques détours pour compléter nos provisions et s'enregistrer chez les carabineros, nous voilà prêts pour partir vers 14h. Joseph, rencontré sur le ferry nous accompagne. Effectivement il est déconseillé se s'aventurer seul sur ce sentier mal balisé. Pour lui éviter de louer les services d'un guide, nous lui proposons de faire route ensemble. Et il faut dire qu'il aura été un très bon compagnon de route !
Le trek Dientes de Navarino a un réel parfum de bout du monde. Contrairement à nos autres treks, nous ne croiserons qu'un seul autre randonneur pendant 4 jours. Par ailleurs, cette randonnée rassemble toutes les difficultés rencontrées jusqu'à présent, et plus encore !
En nous renseignant sur ce trek, nous nous étions rendu compte que la plupart des randonneurs s'étaient perdus ou avaient eu du mal à trouver le chemin. Pour éviter ces déboires, nous partons avec une brochure très détaillée éditée par le Ministerio de Bienes Nacionales comprenant cartes, explications précises et conseils, photographie des balises... Et bien même avec cela, nous avons réussi à nous perdre pendant 1h30 au milieu des barrages de castors ! Une bifurcation non indiquée dans la brochure ; nous avons suivi les mauvaises balises... Parfois, sur la base des photographies, nous voyons, de l'autre côté de la vallée, le col à franchir. Entre les deux, peu d'indications : nous traçons l'itinéraire à l'azimut !
En ce milieu de mois de mars, le froid commence réellement à se faire sentir au sud de la Patagonie. Partis pour un voyage d'un an dans des pays chauds et froids, nous n'avons emportés que des équipements de compromis : sacs de couchage confort 5°C limite 0°C, polaires et coupe-vents mais pas de manteaux chauds... Et bien, nous avons eu froid !
Enfin, l'itinéraire ne nous a rien épargné : des centaines de mètres de tourbe détrempée, des falaises à escalader les pieds dans la boue au milieu des branchages, des arbres tombés par dizaines à enjamber ou à passer en rampant en-dessous, quelques flancs de lacs vertigineux...
Au final, grâce au temps clément et à ces embuches, Dientes de Navarino aura été pour nous un formidable jeu d'orientation ! Les castors canadiens, importés sur l'île pour l'exploitation de leur fourrure, nous aurons un peu compliqué la tache : leurs ravages modifient d'années en années la topographie des lieux, le nombre et la forme des lacs, des forêts... Nous avons également été séduit par ce paysage sauvage aux plus de 300 lacs et sa grande diversité de mousses retenant la rosée du matin. Du haut des cols, nous apercevons, lointain, le Cap Horn, dernière île avant le terrible détroit de Drake qui sépare l'Amérique de l'Antarctique.
Si nous n'avons malheureusement pas pu observer de castors en pleine nature - ces derniers étant nocturnes -, nous avons découvert à notre grande surprise que notre hôte de Puerto Williams avait un castor comme animal de compagnie ! Incroyable !
Toutes les photos de l'Isla Navarino ICI
Ushuaia, la porte de l'Antarctique
Retour à la civilisation en traversant, à prix d'or, le Canal de Beagle depuis Puerto Navarino vers Ushuaia. Les rues de la ville ultra-touristique regorgent de restaurants chics et de boutiques de souvenirs sur les thèmes del "Fin del Mundo" et de l'Antarctique (toutes les croisières vers l'Antarctique depuis la pointe sud de l'Amérique partent d'Ushuaïa). Un tel filon que l'Argentine ne veut pas partager avec le Chili... Ambiance entre les deux pays !
Nous commençons à nous lasser un peu du froid... Avant de nous envoler pour Buenos Aires, nous faisons un petit tour dans le parc national Tierra del Fuego, où nous grimpons le Cerro Guanaco. De là-haut, nous jetons un dernier regard sur Ushuaia, le canal de Beagle, l'Isla Navarino et les derniers sommets enneigés des Andes. La fin de 2 mois et demi de descente le long des Andes depuis Santiago...
Toutes les photos de Tierra del Fuego ICI
Infos pour les voyageurs
L'Isla Navarino bien plus qu'Ushuaïa permet de ressentir cette impression d'être al fin del mundo et mérite de s'y attarder. Malheureusement, cette retraite, séparée du Chili par le détroit de Magellan et un bout d'Argentine, est chèrement accessible :
- par ferry depuis Punta Arenas avec la société Transbordadora Austral Broom SA. 37h de traversée dont 2 nuits à bord. US$180 (env. 130€) le siège, US$250 (env. 180€) la couchette en cabine, repas compris. Départ de Punta Arenas les mercredi à 18h (mars 2011). Si comme nous vous n'aviez pas eu l'occasion de faire une croisière dans les fiords chiliens avec Navimag, cette traversée vaut vraiment le coup pour observer la faune marine !
- par bateau et bus depuis Ushuaïa. 30 minutes de zodiac pour traverser le Canal de Beagle + 1 heure de bus entre Puerto Navarino et Puerto Williams. US$125 l'aller simple (env. 94€). Se renseigner auprès des hostels.
- par voilier, gratuitement ou presque, si vous avez de la chance ! Nous sommes allés flâner dans le port de plaisance de Puerto Williams pour faire du bateau-stop vers Ushuaïa. Comme nous étions en fin de saison, il y avait moins de bateaux et, ces jours-ci, ils se dirigeaient tous vers le Cap Horn... Nous avons donc payé la navette rapide.
- par avion depuis Punta Arenas ou Ushuaïa normalement. Se renseigner sur les fréquences et tarifs. En tout cas, compte tenu de la petite taille des avions, le poids autorisé des bagages est très limité.
Pour ceux qui souhaitent se lancer sur le trek Dientes de Navarino, nous vous recommandons la brochure éditée par le Ministerio de los Bienes Nacionales. Avec un peu de chance, elle sera disponible dans votre hostel à Puerto Williams. Pour assurer, vous pouvez vous la procurer à Punta Arenas dans les bureaux du Ministerio de los Bienes Nacionales, avenida de España 971, ouverts le matin uniquement. La version électronique PDF est disponible ci-joint (5,68 MB). D'autres informations sur Wikiexplora.
Nos bonnes adresses à Puerto Williams et Ushuaïa
- L'hostel Akainij à Puerto Williams. On s'y sent tout de suite chez soi tellement l'accueil est chaleureux et la maison confortable (même si un peu froide la nuit). Il paraît que la maîtresse de maison est une très bonne cuisinière mais nous n'avons malheureusement pas eu l'occasion de goûter à sa cuisine. CH$25.000 (env. 29€) la chambre matrimoniale avec salle de bain. Couette moelleuse et serviettes de bain. Petit-déjeuner et internet wifi inclus.
- Le bed & breakfast Familia Velázquez à Ushuaïa, Calle Juana Fadul Nº 361. Pour changer des auberges de jeunesse, nous avons choisi une petite hospedaje, simple mais agréable. Notre hôte connaît bien les ballades à faire dans les environs. Nous avons également eu des discussions intéressantes avec lui et un jeune couple d'architectes de Buenos Aires sur l'histoire et la situation politique et économique de l'Argentine. Au travers de ces échanges, nous avons pu constater à quel point les relations sont difficiles entre l'Argentine et son voisin chilien. AR$140 (env. 26€) la chambre double avec salle de bain partagée. Petit-déjeuner simple et internet wifi inclus. Possibilité d'utiliser la cuisine.
Carte repère
Mis à jour (Dimanche, 22 Septembre 2013 16:45)