6439 mètres
Du 30 avril au 9 mai 2011
Que n'avais-je pas dit le jour où j'ai proposé à Stan : "Ce serait sympa de faire l'ascension du Huayna Potosi (6088m). Il doit être accessible pour des débutants, puisque la plupart des personnes que je connais qui ont été en Bolivie ont grimpé ce sommet". Cette dernière phrase rendait ce 6000m populaire, finalement non digne d'un challenge sportif ! Stan porte son choix sur l'Illimani d'un autre calibre : ce massif enneigé qui domine La Paz de ses 6439m est le 2ème plus haut sommet de Bolivie ! Pour autant, pour les agences de guides, pas question de nous embarquer dans une expédition sur l'Illimani sans entraînement. Nous devrons faire le Huayna Potosi avant !
Huayna Potosi, de l'entraînement... à la limite de nos capacités physiques
Rendez-vous est pris à 9h30 avec l'équipe : nous serons 4 clients, 2 guides de haute montagne et 1 cuisinier. Démarrage à la bolivienne : nous passerons quasiment plus de temps à attendre les équipements et les achats de nourriture qu'à rouler vers le Huayna Potosi qui se trouve juste à la sortie nord de La Paz. Du camp de base à 4700m auquel nous accédons en voiture, nous partons
après le déjeuner pour un entraînement sur glacier. Pas inutile sachant que nous n'avons encore jamais chaussé de crampons de notre vie !
Nous découvrons donc comment avancer par petits pas dans la pente, comment porter et planter son piolet en cadence, comment marcher encordés et comment se comporter en cas de chute. Pour le fun, nous enchaînons avec de l'escalade sur glacier, car nous n'en aurons pas besoin sur le Huayna Potosi.Nous découvrons ainsi de nouveaux muscles dans nos avant-bras ! Les grimpeurs nous diront que nous n'avons pas besoin d'utiliser ces muscles, qu'il faut pousser sur les jambes, que c'est une question de technique. Eh bien, nous n'avons pas encore pigé la technique !
La deuxième journée consiste à monter avec tout notre paquetage jusqu'au high camp à 5100 mètres d'altitude. Comme cette marche ne durera que 2 heures, nous passerons le reste de la journée à jouer aux cartes ou bouquiner dans le refuge glacial. Diner à 18h puis dodo afin d'être en forme à minuit pour l'ascension finale.
A cette altitude, impossible de trouver le sommeil. Je me retourne mais, à chaque changement de côté, mon cœur s'accélère et je mets 5 minutes à retrouver un rythme normal. Bref, après une seule petite heure de sommeil, nous nous équipons et avalons le petit-déjeuner pour prendre des forces (nous verrons ensuite que ce n'était pas la meilleure idée). A 1 heure du mat', nous démarrons l'ascension dans la nuit noire, à la seule lumière de nos lampes frontales.
Dans le refuge, nous nous projetions déjà au sommet. Stan s'imaginait que cette ascension était "facile", "sans difficulté technique", "seulement de la marche". Tout à fait, à un détail près, mais de taille : l'altitude ! Même après 15 jours sur l'altiplano (entre 3000 et 4000 mètres en moyenne), nous ressentons rapidement les symptômes caractéristiques du mal des montagnes : nausées, vertiges, essoufflement, mal de tête... Notre coeur bat si vite, comme si nous courrions le 100m en permanence ! Nous demandons sans cesse des pauses ! Mais il n'y a pas moyen d'abandonner : nous irons au sommet "lento pero seguro" comme dirait Hilarion notre guide !
Au lever du soleil, nous découvrons à quelques dizaines de mètres du sommet, la seule mais quand même impressionnante difficulté du parcours : l'arrête sommitale de 30cm de large (juste assez large pour les crampons) bordée de précipices de 500 et 1000 mètres de chaque côté ! Pour moi qui suis sujette au vertige, je débranche juste le cerveau et me concentre sur mes pieds pour éviter de me faire un croche-patte avec les crampons !
Finalement à 7h du matin, après 6h d'ascension, nous arrivons enfin à bout de forces au sommet à 6088m. Seul petit regret : le nuage dans lequel nous nous trouvons et qui nous bouche complètement la vue sur La Paz et le lac Titicaca... L'avantage de faire l'ascension de nuit, en plus d'éviter la plupart des avalanches, c'est que l'on ne se rend pas du tout compte des dangers. C'est à la redescente, en plein jour, que l'on réalise le degré de la pente et que l'on découvre les crevasses à côté desquelles nous sommes passés !
Après une soupe au high camp, retour au camp de base puis à La Paz. Alors que nous avons besoin de quelques jours pour nous en remettre, notre guide repart dès le lendemain matin avec une nouvelle équipe !
Toutes les photos du Huayna Potosi ICI
Illimani, toujours plus haut
On a quand même hésité avant de remettre ça ! Mais l'esprit oublie vite les extrémités auxquelles nous soumettons notre corps. Une fois reposés, nous avons déjà envie de nous lancer dans le prochain challenge. Je pense que les triathlètes acquiescerons.
4 jours plus tard, nous retrouvons finalement Hilarion et prenons la route de l'Illimani à 4h de route au sud est de La Paz. Nous serons également accompagné d'Amwo, hollandais, et de son guide Pedro. La route est magnifique. Elle serpente alternativement au fond de canyons, à flanc de montagne, au milieux de champs et de petits villages. La mise en bouche est largement plus appétissante que pour le Huayna Potosi. Le massif de l'Illimani composé de 7 sommets apparaît "resplendissant" (son nom en langue Aymara) au dessus du canyon et des champs de quinoa.
Après le déjeuner dans le petit village de Pinaya (3800m), nous marchons jusqu'au camp de base de Puento Roto ("pont cassé"), situé au milieu d'une prairie verte, pâturage de lamas. L'Illimani étant peu fréquenté, il ne bénéficie pas d'infrastructures de montagne. C'est sous la tente que nous dormirons. Avant de nous coucher, nous nous lançons dans une partie endiablée de Uno avec les guides. Nous avions déjà découvert en Indonésie les vertus de ce jeu simple qui peut se jouer avec n'importe qui même si on parle pas la même langue.
Le deuxième jour, nous quittons le camp de base à 4500m pour installer notre high camp au Nido de Condores ("Nid de condors"), petite plateforme à 5500m d'altitude. Pendant ces 5h de marche, des porteurs nous accompagnent pour porter la plus grande partie de nos sacs et de l'équipement. Le sentier est pentu et difficile et se termine dans une alternance de neige gelée et de rochers qui s'effritent. Alors que les porteurs lourdement chargés grimpent comme si de rien n'était (pour certains simplement chaussés de sandales !), nous demandons à être encordés. A ce moment là, devant mon air paniqué, le guide se demande comment il va pouvoir m'emmener au sommet le lendemain !
Comme il y a beaucoup de neige cette année, nous plantons la tente dans la neige ! En prévision, nous avions loué des matelas gonflables et des duvets plus chauds. Pour l'eau, le cuistot fait fondre des pains de glace. Pour faire nos besoins, il faut s'approcher (mais pas trop) du bord de la barre rocheuse !
Dîner à 18h30, au lit à 19h30, sommeil trouvé pas avant 21h30, réveil qui sonne déjà à 23h30 ! Nous démarrons l'ascension du Pico Sur (le plus haut des 7 pics) à 0h50 après un petit-déjeuner super léger. De toute manière, mon estomac refuse d'ingurgiter quoi que ce soi. Nous avons pris de quoi nous ravitailler au cours de l'ascension : bananes, barres de céréales, Snickers, chocolat, boisson énergisante.
Cette fois-ci l'ascension est plus difficile : raide en permanence avec quelques parties à escalader. Si nous sommes toujours aussi essoufflés et épuisés que sur le Huayna Potosi, nous n'avons heureusement plus de nausées. Stan s'imagine à un moment que nous approchons bientôt du sommet et demande l'altitude au guide. La réponse n'était pas franchement celle espérée : "5800 metros" ! Quoi ? Nous n'avons fait qu'un tiers du chemin ? Grosse baisse de moral.
Le guide nous indique que c'est sur la partie suivante que se jouera notre capacité à atteindre le sommet : un mur de neige incliné à 50-65 degrés à escalader. Hilarion grimpe 50m plus haut et nous assure. Avec piolet et crampons, nous grimpons face à la pente, puis nous plantons le piolet et creusons une petite plateforme avec nos crampons. Agrippés à flan de montagne, dans le noir, nous attendons que le guide grimpe 50m plus haut pour nous assurer à nouveau. Nous répétons l'opération 1, 2, 3... 6 fois ! Nous avons ainsi escaladé 300m rapidement, ce qui nous permet d'augmenter considérablement nos chances d'arriver au bout et de nous remonter le moral.
L'ascension finale est interminable et éprouvante pour le cœur. Sur l'arrête sommitale, nous croisons Amwo, l'autre client, qui entame sa redescente. Nous voyons le sommet, nous voulons l'atteindre mais il n'en fini plus d'arriver. Tous les 30 pas, nous reprenons notre souffle. Fin du suspense, nous atteignons ravis le sommet à 6439m vers 7h35, soit après 6h45 d'ascension. Amwo et Pedro aurons mis 5h30 ! Cette fois-ci, le temps est magnifique et nous profitons de ce moment au sommet.
La descente au camp d'altitude sera plus courte : 3h. C'est le même cirque (ancrage et rappel) pour redescendre le mur de neige. Nous passons également sur une crête étroite dont nous n'avions pas soupçonné l'existence de nuit ! Après rangement du camp, nous poursuivons la descente jusqu'au village de Pinaya où nous passerons la nuit. Au total, 1000m de dénivelé positif et 2500m de dénivelé négatif dans la même journée, soit 13h de marche : épuisant !
Pour fêter ça, Martin notre cuisinier et les guides nous propose de partager un mouton cuit de manière traditionnelle, sous les pierres chaudes, avec les porteurs. Nous assistons à la cérémonie d'ouverture du "four" et de déballage des morceaux de moutons roulés dans du papier journal. Si le plat n'est pas très ragoutant, il ne nous convainc pas tellement non plus au niveau du goût, mais le principal est que les boliviens sont contents !
Le 4ème et dernier jour, nous reprenons la route de La Paz, super fiers de nous et surtout contents que cette épreuve soit dernière nous !
Toutes les photos de l'Illimani ICI
Infos pour les voyageurs
Pour ceux qui souhaiteraient débuter la haute montagne, se lancer à l'ascension de 6000 ou découvrir de nouveaux horizons, La Paz est le lieu idéal. La ville est entourée de nombreux de sommets à plus de 5000m et aux niveaux de difficulté variés. De plus, les camps de base, déjà à une altitude élevée, sont facilement accessibles. Pour ceux qui débutent comme nous, voici quelques précisions :
Quelle agence retenir ?
La Paz et plus particulièrement les rues Sagarnaga et adjacentes regorgent d'agences de guides. Comment faire son choix ? Il faut savoir qu'il existe plusieurs types de guides : les guides de haute montagne ayant une certification internationale, les guides de haute montagne certifiés en Bolivie et généralement formés par des guides français de Chamonix, et les guides qui depuis toujours fréquentent le Huayna Potosi, connaissent la route normale par cœur mais ne sont pas certifiés.
A notre connaissance, au moins une agence dispose principalement de guides internationaux. Il s'agit de Llama Trek. Mais les tarifs sont en conséquence. Sur recommandation d'autres voyageurs, nous avons choisi de nous adresser à l'agence Travel Tracks dont la plupart des guides sont aspirants à la certification internationale, comme notre guide Hilarion. En plus des guides, plusieurs avantages :
- une agence bien rodée dirigée par une hollandaise et un américano-bolivien.
- beaucoup de clients, ce qui permet par exemple, sur le Huayna Potosi, d'échanger des cordées si certains veulent abandonner et d'autres poursuivre jusqu'au sommet.
- des prix attractifs qui inclut un guide pour 2 personnes, l'équipement, les transports, la nourriture et le cuisinier + la tente et les porteurs pour l'Illimani :
- Huayna Potosi (3 jours) : 975B. par personne, soit 95€.
- Illimani (4 jours) : US$295 prix catalogue, réduit à US$280 en complément du Huayna Potosi, soit 1960B. ou 180€.
Quel est l'équipement nécessaire ?
Tout l'équipement de montagne (chaussures, veste et pantalon imperméable, sur-gants, guêtres, cagoule et casque, piolet et crampons) est fourni pas l'agence. En complément il est nécessaire d'avoir :
- un legging chaud ainsi que 3 couches chaudes sur le dos (T-shirt thermique, polaire, pull en alpaga par exemple),
- un bonnet et des gants fins à porter sous les sur-gants (les articles en alpaga achetés à La Paz sont également une bonne option),
- au moins 2 paires de chaussettes chaudes,
- des chaussures de marche pour rejoindre les high camps,
- un sac de couchage (Confort 0°C suffisant pour le Huayna Potosi, -15°C nécessaire pour l'Illimani),
- une lampe frontale et des batteries de rechange,
- au moins 2 litres d'eau par personne,
- des encas pour s'alimenter durant l'ascension,
- des comprimés de Sorojchi contre le mal des montagne (en vente dans toutes les pharmacie de La Paz),
- un bouquin ou un jeu de carte pour vous occuper.
Est-ce difficile ?
Oui. Notre récit permet probablement de répondre à cette question. L'altitude joue bien plus que la difficulté technique dans la capacité à atteindre le sommet. Une précision tout de même concernant la forme physique. Stan a bouclé un IronMan juste avant le voyage. En ce qui me concerne, à force s'enchaîner les treks, je suis plutôt affûtée. Et pourtant, nous sommes arrivés au sommet du Huayna Potosi après des gens bien moins sportifs que nous. La forme physique n'est donc pas un réel atout. En revanche, le mental de sportif peut permettre d'aller jusqu'au bout !
Est-ce dangereux ?
Oui. La haute montagne est un milieu dangereux par définition. Dans ces conditions, il est important d'être bien accompagné et de connaître ses limites. Pour autant, malgré toutes les précautions prises, il peut y avoir des accidents. Nos amis polonais ont subit une avalanche lors de leur ascension du Huayna Potosi, un événement rarissime de nuit et à cet endroit là. Heureusement cette fois-là, ils s'en sont sortis indemnes. Par ailleurs, il faut savoir que pendant l'hiver austral (juillet-août), la neige durcit et se transforme en glace. Les fautes de crampons sont alors plus courantes. Lorsque nous avons fait l'ascension du Huayna Potosi et de l'Illimani début mai, c'est-à-dire en début de saison, les conditions de neige étaient excellentes.
Mis à jour (Dimanche, 22 Septembre 2013 18:33)